17ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A)

1R 3,5.7-12;Ps 118; Rm 8,28-30; Mt 13,44-52

De quel amour j’aime ta loi, Seigneur !

COMMENTAIRE

Le don du Royaume à recevoir et à annoncer

Nous arrivons aujourd’hui à la dernière partie de ce que l’on appelle la section des paraboles dans l’Évangile selon Matthieu. Jésus termine son enseignement en (sept) paraboles par trois récits, ceux du trésor caché, de la perle précieuse et du filet, qui introduisent ultérieurement les auditeurs aux mystères du Royaume des cieux. De ce dialogue final entre Jésus et ses disciples émergent au moins trois messages importants pour notre vie d’aujourd’hui en relation avec le Royaume de Dieu que Jésus lui-même a inlassablement proclamé en paroles et en actes au cours de son ministère public.

1. Le don inattendu du Royaume des Cieux

Les deux premières paraboles, celle du trésor caché et celle de la perle de grande valeur, sont appelées par les spécialistes paraboles-jumelles, en raison de leur similitude de structure et de message. Elles mettent en évidence la valeur inestimable du Royaume qui dépasse de loin tous les biens que l’homme peut posséder. De plus, en suivant la dynamique des récits, on peut entrevoir un élément inattendu par lequel l’homme a trouvé le trésor ou la perle, alors qu’il aurait pu partir à sa recherche. Ainsi, le Royaume de Dieu, appelé par l’évangéliste Matthieu Royaume des Cieux pour éviter de mentionner Dieu selon la coutume juive, est toujours un don inattendu, à la fois pour sa valeur qui dépasse toute prévision ou vision humaine et pour l’imprévisibilité de sa venue, selon un plan exclusivement divin, avec et dans la personne de Jésus, avec et dans sa vie et sa mission. En effet, en Jésus sont renfermés tous les trésors de la sagesse et de l’intelligence, de la grâce et de la gloire divine. Il est le trésor “caché” en Dieu et maintenant révélé à toute l’humanité.

2. Un cœur sage et courageux pour accueillir le Royaume

Face à la valeur du Royaume, l’homme est invité à faire un sacrum commercium, un “commerce sacré” pour l’acquérir. Il faut de la sagesse et du courage de prendre des risques pour faire un investissement fondamental dans la vie ! L’homme devra avoir un cœur sage et courageux pour accueillir le Royaume. Une telle disposition, une fois de plus, sera reçue comme un don du Seigneur, comme cela est arrivé à Salomon dans le Temple de Dieu à Gabaon (cf. 1 Rois 3,5.7-12) (comme nous l’avons entendu dans la première lecture).

En effet, conformément à la tradition biblique et juive de la sagesse, cette sagesse requise implique aussi une certaine perspicacité, de la détermination, voire de la ruse ! C’est le cas du trésor caché dans le champ qu’un homme trouve, cache à nouveau, s’en va puis achète le champ pour devenir le propriétaire du trésor. Ce sera le cas de la perle précieuse que le marchand ne trouve sûrement qu’après une longue et patiente recherche. Mais dans les deux paraboles, l’accent est mis sur la détermination : « va vendre tout ce qu’il possède, et il achète » l’objet trouvé. C’est l’engagement de l’homme qui est fondamental et nécessaire pour recevoir le Royaume donné ! De plus, comme nous pouvons l’entrevoir dans la parabole du “filet”, l’engagement sera également nécessaire pour rester dans le “filet” du Royaume en tant que “bons poissons”, et ne pas être jetés«dans la fournaise » à la fin du monde.

3. Annoncer le Royaume comme Jésus

Le dialogue final entre Jésus et ses disciples nous offre une occasion intéressante de réfléchir sur la figure du disciple du Royaume. À cet égard, le commentaire de saint Hilaire (de Poitiers), cité par saint Thomas d’Aquin dans sa célèbre CatenaAurea, est significatif : «S’adressant à ses disciples, il les appelle scribes à cause de la connaissance qu’ils avaient de lui, parce qu’ils comprenaient les choses qu’il apportait, aussi bien les nouvelles que les anciennes, c’est-à-dire la Loi et les Évangiles;tous les deux appartenant au même chef de famille et tous les deux étant les trésors d’un même propriétaire. Il les a comparés à lui sous la figure d’un chef de famille, parce qu’ils avaient reçu la doctrine des choses nouvelles et anciennes de son trésor de l’Esprit Saint».

Dans cette perspective, les disciples qui ont compris “toutes ces choses” en paraboles, exposées par Jésus comme l’ensemble de la nouveauté de la Bonne Nouvelle, mais profondément enracinées dans les anciennes Écritures de Dieu, sont appelés à faire de même à l’exemple de leur Maître en accomplissant la même mission de proclamation de l’Évangile du Royaume. C’est pourquoi la dernière recommandation de Jésus à ses fidèles avant son ascension au ciel sera précisément d’aller et« de toutes les nations faire des disciples », en les baptisant et en leur enseignant« à observer tout ce que » Jésus a enseigné (cf. Mt 28, 20). En cela, le Christ ressuscité affirme être avec eux

«tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Ainsi, les disciples du Christ seront appelés à proclamer et à enseigner le royaume de Dieu avec le Christ, comme le Christ, voire in persona Christi“en la personne du Christ” qui est effectivement toujours avec eux. Ils seront particulièrement invités à parler et à agir avec la sagesse du Christ, en combinant les choses nouvelles et les choses anciennes de Dieu sous l’inspiration de l’Esprit, pour attirer tout le monde vers la beauté du Royaume.

Points utiles :

Jean-PaulII, Lettre Encyclique sur la valeur permanentedu précepte missionnaire, Redemptoris Missio

Le Christ rend présent le Royaume

13. Jésus de Nazareth conduit à son terme le plan de Dieu. Après avoir reçu l’Esprit Saint au baptême, il manifeste sa vocation messianique ; il parcourt la Galilée, «proclamant l’Evangile de Dieu et disant : “Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à l’Evangile”» (Mc 1, 14-15 ; cf. Mt 4, 17 ; Lc 4, 43). La proclamation et l’instauration du Royaume de Dieu sont l’objet de sa mission : «C’est pour cela que j’ai été envoyé» (Lc 4, 43). Mais il y a plus : Jésus est lui-même la Bonne Nouvelle, comme il le déclare dans la synagogue de son village, dès le début de sa mission, en s’appliquant la parole d’Isaïe sur l’Oint, envoyé par l’Esprit du Seigneur (cf. Lc 4, 14-21). Le Christ étant la Bonne Nouvelle, il y a en lui identité entre le message et le messager, entre le dire, l’agir et l’être. Sa force et le secret de l’efficacité de son action résident dans sa totale identification avec le message qu’il annonce : il proclame la Bonne Nouvelle non seulement par ce qu’il dit ou ce qu’il fait, mais par ce qu’il est. […]

Le Royaume de Dieu est accompli et proclamé dans la Personne du Ressuscité

16. En ressuscitant Jésus d’entre les morts, Dieu a vaincu la mort et, dans le Christ, il a inauguré définitivement son Règne. Pendant sa vie terrestre, Jésus est le prophète du Royaume et, après sa Passion, sa Résurrection et son Ascension au ciel, il participe à la puissance de Dieu et à son pouvoir sur le monde (cf. Mt 28, 18 ; Ac 2, 36 ; Ep 1, 18-21). La Résurrection confère une portée universelle au message du Christ, à son action et à toute sa mission. Les disciples se rendent compte que le Royaume est déjà présent dans la personne de Jésus et qu’il est instauré peu à peu dans l’homme et dans le monde par un lien mystérieux avec lui.

Après la Résurrection, en effet, ils prêchaient le Royaume, annonçant que Jésus est mort et ressuscité. Philippe, en Samarie «annonçait la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu et du nom dé Jésus Christ» (Ac 8, 12). A Rome, Paul «proclamait le Royaume de Dieu et enseignait ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ» (cf. Ac 28, 31). Les premiers chrétiens annonçaient eux aussi, «le Royaume du Christ et de Dieu» (Ep 5, 5 ; cf. Ap 11, 15 ; 12, 10), ou bien «le Royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ» (2 P 1, 11). C’est sur l’annonce de Jésus Christ, avec qui s’identifie le Royaume, qu’est centrée la prédication de l’Eglise primitive. Aujourd’hui, il faut de même unir l’annonce du Royaume de Dieu (le contenu du «kérygme» de Jésus) et la proclamation de l’événement Jésus Christ (c’est-à-dire le «kérygme» des Apôtres). Lesdeuxannonces se complètent et s’éclairentréciproquement.

Pape François,Angélus, Place Saint Pierre, Dimanche, 30 juillet 2017

Le discours de Jésus sous forme de paraboles, qui regroupe sept paraboles dans le chapitre 13 de l’Evangile de Matthieu, se conclut par les trois similitudes d’aujourd’hui : le trésor caché (v. 44), la perle précieuse (v. 45-46) et le filet de pêche (v. 47-48). […].

Ces similitudes mettent en évidence deux caractéristiques concernant la possession du Royaume de Dieu : la recherche et le sacrifice. Il est vrai que le Royaume de Dieu est offert à tous — c’est un don, c’est un cadeau, c’est une grâce —, mais il n’est pas mis à disposition sur un plateau d’argent, il exige un dynamisme : il s’agit de chercher, de marcher, de se donner de la peine. L’attitude de la recherche est la condition essentielle pour trouver ; il faut que le cœur brûle du désir de rejoindre le bien précieux, c’est-à-dire le Royaume de Dieu qui se fait présent dans la personne de Jésus.[…]

Face à la découverte inattendue, aussi bien le paysan que le marchand se rendent compte qu’ils sont en face d’une occasion unique à ne pas laisser échapper, c’est pourquoi ils vendent tout ce qu’ils possèdent. L’évaluation de la valeur inestimable du trésor conduit à une décision qui implique aussi sacrifice, détachements et renoncements. Quand le trésor et la perle ont été découverts, c’est-à-dire quand nous avons trouvé le Seigneur, il ne faut pas laisser cette découverte stérile, mais lui sacrifier toutes les autres choses. Il ne s’agit pas de mépriser le reste, mais de le subordonner à Jésus, en Le mettant à la première place. […]

Pape François,Angélus, Place Saint Pierre, Dimanche, 27 juillet 2014

[…]Combien de personnes, combien de saints et de saintes, en lisant l’Evangile avec le cœur ouvert, ont été tellement frappés par Jésus, qu’ils se sont convertis à lui. Pensons à saint François d’Assise : il était déjà chrétien, mais un chrétien «à l’eau de rose». Quand il lut l’Evangile, à un moment décisif de sa jeunesse, il rencontra Jésus et découvrit le Royaume de Dieu, et alors tous ses rêves de gloire terrestre s’évanouirent. L’Evangile te fait connaître le vrai Jésus, te fait connaître Jésus vivant ; il parle à ton cœur et change ta vie. Et alors, en effet, tu abandonnes tout. Tu peux effectivement changer de type de vie, ou bien continuer à faire ce que tu faisais auparavant, mais tu es un autre, tu es rené: tu as trouvé ce qui donne un sens, ce qui donne une saveur, ce qui donne la lumière à tout, également aux difficultés, également aux souffrances et aussi à la mort. […]

Tout acquiert un sens quand là, dans l’Evangile, tu trouves ce trésor, que Jésus appelle «le Royaume de Dieu», c’est-à-dire Dieu qui règne dans ta vie, dans notre vie ; Dieu qui est amour, paix et joie en chaque homme et dans tous les hommes. C’est ce que Dieu veut, c’est ce pour quoi Jésus s’est donné lui-même jusqu’à mourir sur une croix, pour nous libérer du pouvoir des ténèbres et nous transporter dans le royaume de la vie, de la beauté, de la bonté, de la joie. Lire l’Evangile c’est trouver Jésus et avoir cette joie chrétienne, qui est un don de l’Esprit Saint.

Pape François,Angélus, Place Saint Pierre, Dimanche, 26 juillet 2020

[…]Les gestes de cet homme et du marchand qui partent en quête, en se privant de leurs biens, pour acheter des réalités plus précieuses, sont des gestes décisifs, ce sont des gestes radicaux, je dirais seulement un aller, pas un aller-retour : ce sont des gestes d’un aller. Et, de plus, accomplis avec joie car tous les deux ont trouvé un trésor. Nous sommes appelés à assumer l’attitude de ces deux personnages évangéliques, en devenant nous aussi des chercheurs sainement inquiets du Royaume des cieux. […]

Le Royaume des cieux est l’opposé des choses superflues qu’offre le monde, c’est le contraire d’une vie banale : c’est un trésor qui renouvelle la vie chaque jour et la dilate vers des horizons plus vastes. En effet, celui qui a trouvé ce trésor a un cœur créatif et en quête, qui ne répète pas mais invente, en traçant et en suivant de nouveaux chemins, qui nous conduisent à aimer Dieu, à aimer les autres, à nous aimer vraiment nous-mêmes. Le signe de ceux qui marchent sur cette route du Royaume est la créativité. […]

Jésus, qui est le trésor caché et la perle de grande valeur, ne peut que susciter la joie, toute la joie du monde : la joie de découvrir un sens à sa vie, la joie de la sentir engagée dans l’aventure de la sainteté. (Union Pontificale Missionnaire – D.A.N. Nguyen)

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