13ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A)

2 R 4, 8-11.14-16a ; Ps 88 ;Rm 6, 3-4.8-11 ;Mt 10, 37-42

13ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A)

2 R 4, 8-11.14-16a ; Ps 88 ;Rm 6, 3-4.8-11 ;Mt 10, 37-42

Ton amour, Seigneur, sans fin je le chante !

COMMENTAIRE

Honneur et condition d’être disciples-missionnaires du Christ

L’Évangile de ce dimanche nous présente la fin du discours missionnaire de Jésus que nous avons écouté ces dernières semaines. C’est donc la conclusion et, à ce titre, l’aboutissement de tout ce que Jésus a voulu transmettre à ses premiers disciples-apôtres lorsqu’il les a envoyés en mission. Par conséquent, ce message final de l’Évangile sera également fondamental pour tous ses disciples-missionnaires de tous les temps, appelés à suivre le divin Maître dans la mission de porter l’Évangile de Dieu au monde entier.

1. « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi… ». L’amour total pour le Christ comme condition déterminante pour être ses disciples

Il est très significatif qu’à la fin de ses instructions missionnaires, Jésus ait clairement défini les conditions très difficiles à remplir pour être ses “dignes” disciples, c’est-à-dire ses véritables disciples. Ceux qui le suivent (ou veulent le suivre) dans la mission pour Dieu seront appelés à l’aimer plus que tous les autres, y compris les parents et les enfants, ainsi que plus que tout le reste, y compris leur propre vie. En particulier, la première partie de la déclaration, qui insiste sur le fait d’aimer Jésus plus que son père ou sa mère, peut en scandaliser plus d’un, surtout ceux qui appartiennent à la culture juive ou asiatique en général, en raison de l’accent particulier mis sur la piété filiale. Il faut d’ailleurs souligner que le texte parallèle à ce passage dans l’Evangile de Luc a une forme encore plus forte et plus retentissante : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère…, il ne peut pas être mon disciple » (Lc 14,26). Il s’agit certainement d’une parole originale de Jésus, car elle est tellement scandaleuse avec la mention de “haïr (son père et sa mère)” que la version parallèle de Mt 10,37 a voulu utiliser une formulation équivalente mais moins déconcertante : « Celui qui aime (son père ou sa mère) plus que moi n’est pas digne de moi ». Ici comme dans d’autres cas, par exemple dans la recommandation de suivre Jésus sans perdre de temps à enterrer son père (cf. Mt 8,21-22), émerge l’image d’un Jésus qui, en plus d’être semblable à un sage dans la formulation des dictons, se présente comme un maître conscient de sa propre identité et de sa mission et, par conséquent, pose des conditions exigeantes et intransigeantes à ceux qui veulent le suivre, ce qui est peu connu dans la tradition biblico-judaïque et même rabbinique.

Pour comprendre correctement l’intention de Jésus, deux considérations s’imposent. Tout d’abord, comme l’a bien expliqué un exégète, l’attitude recommandée de “haïr” ou “aimer moins” les parents pour Jésus « ne pose pas un problème de sentiments ou d’état d’esprit, mais de choix pratique et existentiel, où la fidélité au Christ et à l’évangile entre en conflit avec les relations familiales. Le statut des disciples, libres même par rapport aux liens parentaux, est comparable à celui des “lévites” de l’Ancien Testament (cf. Dt 33, 8-11) » (R. Fabris, Matteo, Roma 1996, 256 note 3). En effet, et c’est le deuxième point à considérer, les lévites “consacrés” au service de Dieu sont appelés à mettre Dieu au-dessus de tout et par-dessus tout. De plus, Dieu exige généralement des membres de son peuple Israël un amour exclusif, absolu, « de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force », comme seule réponse digne de son amour salvifique préventif (cf. Dt 6, 4-5). Maintenant, Jésus exige quelque chose de semblable de ses disciples, de son peuple, du véritable Israël. Ainsi, d’une part, Jésus se montre comme Dieu, in persona Dei, qui parle en amour et exige l’amour ; d’autre part, on pourrait entrevoir que l’insistance sur l’amour absolu pour Jésus de la part des disciples reflète en fait le cas d’un homme et d’une femme appelés à quitter leurs parents pour créer leur propre nouvelle famille dans l’amour, comme il est également écrit dans les Ecritures : « À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un » (Gen 2,24). D’ailleurs, Jésus lui-même s’est détaché du lien familial dans l’amour de Dieu le Père pour se consacrer exclusivement à la mission divine (cf. Lc 2, 48-49), sans même rejeter le chemin ardu de la croix. Un tel amour, un tel zèle et un tel dévouement sont maintenant demandés à ses disciples-missionnaires, en commençant par un détachement radical de tous et de tout, pour continuer dans l’amour le même chemin de la mission du Christ pour Dieu. Ne devrions-nous pas nous sentir interpellés par ces paroles fortes de Jésus, notre Maître et Seigneur ?

2. « Qui vous accueille m’accueille… ». Le plus grand honneur de présenter le Christ et Dieu dans la mission

Après la recommandation d’amour absolu des disciples, Jésus veut réaffirmer la grandeur de leur vocation au milieu des personnes auxquelles ils sont envoyés : « Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé ». Il ne s’agit pas d’une simple déclaration sur la vérité de l’accueil. La phrase reprend en fait le principe bien connu de l’institution judéo-rabbinique du shaliah“envoyé”, selon lequel « celui qui est envoyé est comme celui qui l’invite ». Cette phrase de Jésus reflète la chaîne de la mission Dieu-Christ-disciples, ce que Jésus ressuscité déclarera aux siens lors de sa première apparition “officielle” au Cénacle, selon l’Évangile de Jean : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie » (Jn 20,21). Ainsi, par analogie avec ce que Jésus a dit : “Qui me voit, voit le Père”, on pourrait continuer, avec toutes les limites du cas, à indiquer l’être des disciples : Qui vous voit, me voit ! Telle est la vocation exaltée des disciples-missionnaires et leur plus grand honneur de présenter le Christ et Dieu dans la mission. C’est pourquoi nous devons devenir de plus en plus ce que nous sommes : le Christ vivant, le témoin de Dieu. À cet égard, il vaut la peine de relire les réflexions autorisées du pape François pour renouveler une fois de plus notre zèle en tant que disciples-missionnaires du Christ :

De même que le Christ est le premier envoyé, c’est-à-dire missionnaire du Père (cf. Jn 20, 21) et, en tant que tel, son « témoin fidèle » (cf. Ap 1, 5), de même tout chrétien est appelé à être un missionnaire et un témoin du Christ. (…)

C’est du Christ, et du Christ ressuscité dont nous devons témoigner et dont nous devons partager la vie. Les missionnaires du Christ ne sont pas envoyés pour se communiquer eux-mêmes, pour montrer leurs qualités et leurs capacités de persuasion ou leurs compétences en matière de gestion. Ils ont, au contraire, le grand honneur d’offrir le Christ, en paroles et en actes, en annonçant à tous la Bonne Nouvelle du salut avec joie et franchise, comme les premiers apôtres ». (Message du Saint-Père François Pour la Journée Mondiale des Missions 2022 « Vous serez mes témoins » [Ac1, 8])

(…) Le Christ ressuscité est Celui-qui-rompt-le-pain et, en même temps, il est le Pain-rompu-pour-nous. Et donc, tout disciple missionnaire est appelé à devenir, comme Jésus et en Lui, grâce à l’action de l’Esprit Saint, celui-qui-rompt-le pain et celui-qui-est-pain-rompu pour le monde. (Message du Saint-Père François Pour la Journée Mondiale des Missions 2023 “ Des cœurs brûlants, des pieds en marche ” [cfr. Lc 24,13-35])

3. Mission et “coopération missionnaire”

Il est très intéressant de lire qu’après la déclaration fondamentale du principe de représentation dans la mission, Jésus conclut l’ensemble du discours par la promesse d’une certaine récompense pour ceux qui pratiquent l’hospitalité envers les disciples nécessiteux qui, comme l’implique le contexte, sont envoyés par le Christ pour la mission dans le monde : « Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense ». Apparemment, il ne s’agit pas d’une recommandation générique d’hospitalité, mais on pourrait y voir une exhortation au soutien matériel des missionnaires du Christ. En effet, l’image concrète d’” un simple verre d’eau fraîche ”, est surprenante, signe d’une aide, petite mais significative, car hautement souhaitable pour ceux qui doivent souvent marcher sous le soleil brûlant de cette terre de Palestine. Ainsi, on entrevoit dans ces promesses du Christ l’attention et le souci du Christ pour ses disciples-missionnaires. Il n’oublie pas la moindre aide apportée à ses missionnaires, parce qu’ils sont ses “représentants” et que, par conséquent, ce qu’on leur offre, c’est en fait comme si on le lui donnait à lui. D’autre part, la réalité d’une possible “collaboration” avec les disciples émerge de la part de tous les hommes, qui sont ainsi appelés à contribuer, parfois même inconsciemment, à la mission divine !

La pensée évangélique analysée nous conduit spontanément au thème de ce qu’on appelle la “coopération missionnaire”, qui sera encore plus souhaitée entre tous les fidèles du Christ pour la mission commune, surtout aujourd’hui. Le pape François a insisté sur ce point dans son message pour la Journée mondiale des missions de cette année, qui avait pour thème “Cœurs ardents, pieds en marche” :

L’image des “pieds en marche” nous rappelle une fois encore la validité permanente de la missio ad gentes, la mission, donnée à l’Église par le Seigneur ressuscité, d’évangéliser toute personne et tout peuple jusqu’aux extrémités de la terre. (…)Chacun peut contribuer à ce mouvement missionnaire : par la prière et l’action, par des offrandes d’argent et de souffrances, par son témoignage. (…) L’urgence de l’action missionnaire de l’Église implique naturellement une coopération missionnaire toujours plus étroite de tous ses membres à tous les niveaux.

Prions donc (dans les termes de la prière alternative de la Collecte dans le Missel italien du Dimanche XIII, Année A) :

Infuse en nous, ô Père, la sagesse et la force de ton Esprit, afin que nous marchions avec le Christ sur le chemin de la croix, prêts à faire don de notre vie pour manifester au monde l’espérance de ton royaume. Par le Christ, notre Seigneur. Amen.

Points utiles :

Pape François, Angélus, Place Saint-Pierre, Dimanche,2juillet 2017

La liturgie d’aujourd’hui nous présente les dernières répliques du discours missionnaire du chapitre 10 de l’Evangile de Matthieu (cf. 10, 37-42), par lequel Jésus instruit les douze apôtres au moment où, pour la première fois, il les envoie en mission dans les villages de la Galilée et de la Judée. Dans cette partie finale, Jésus souligne deux aspects essentiels pour la vie du disciple missionnaire: le premier, que son lien avec Jésus est plus fort que tout autre lien; le second, que le missionnaire ne s’apporte pas lui-même, mais Jésus, et à travers Lui, l’amour du Père céleste. Ces deux aspects sont liés, parce que plus Jésus est au centre du cœur et de la vie du disciple, plus ce disciple est «transparent» à sa présence. Les deux vont ensemble. […]

Celui qui se laisse attirer dans ce lien d’amour et de vie avec le Seigneur Jésus, devient son représentant, son «ambassadeur», surtout avec sa façon d’être, de vivre. Au point que Jésus lui-même, en envoyant les disciples en mission, leur dit: «Qui vous accueille m’accueille, et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé» (Mt 10, 40). Il faut que les gens puissent percevoir que pour ce disciple, Jésus est vraiment «le Seigneur», il est vraiment le centre de sa vie, le tout de la vie. […]

Et ici, notre expérience de prêtres nous enseigne une chose très belle, une chose très importante: c’est précisément cet accueil du saint peuple fidèle de Dieu, c’est précisément ce «verre d’eau fraîche» (v. 42) dont parle aujourd’hui le Seigneur dans l’Evangile, donné avec une foi affectueuse, qui t’aide à être un bon prêtre! Il existe une réciprocité également dans la mission: si tu quittes tout pour Jésus, les personnes reconnaissent en toi le Seigneur; mais en même temps, elles t’aident à te convertir chaque jour à Lui, à te renouveler et te purifier des compromis et à dépasser les tentations. Plus un prêtre est proche du peuple de Dieu, plus il se sentira proche de Jésus, et plus un prêtre est proche de Jésus, plus il se sentira proche du peuple de Dieu.

Benoît XVI, Message pour la XLV Journée Mondiale de Prière pour les Vocations

13 AVRIL 2008 – IVe DIMANCHE DE PÂQUES 

Thème : «Les vocations au service de l’Église-mission»

2. Les promesses faites à nos Pères se réalisèrent pleinement en Jésus Christ. À ce sujet, le Concile Vatican II affirme : «Le Fils est donc venu, envoyé par le Père qui nous a élus en lui avant la création du monde et nous a prédestinés à l’adoption filiale… C’est pourquoi le Christ, pour accomplir la volonté du Père, a inauguré sur terre le Royaume des cieux, et nous a révélé son mystère et, par son obéissance, a effectué la Rédemption» (Const. dogm. Lumen gentium, n. 3). Et, comme proches collaborateurs dans son ministère messianique, Jésus se choisit des disciples, dès sa vie publique, pendant sa prédication en Galilée. Par exemple, lors de la multiplication des pains, quand il dit à ses Apôtres : «Donnez-leur vous-même à manger» (Mt 14, 16), les incitant ainsi à prendre en charge les besoins des foules, auxquelles il voulait offrir la nourriture pour les rassasier, mais aussi pour leur révéler la nourriture «qui se garde jusque dans la vie éternelle» (Jn 6, 27). Il était saisi de compassion pour les hommes, parce qu’en parcourant les villes et les villages, il rencontrait des foules fatiguées et abattues, «comme des brebis sans berger» (cf. Mt 9, 36). De ce regard d’amour jaillissait son invitation aux disciples : «Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson» (Mt 9, 38), et il envoya les Douze d’abord «aux brebis perdues de la maison d’Israël», avec des instructions précises. Si nous nous arrêtons pour méditer cette page de l’Évangile de Matthieu, que l’on appelle habituellement «le discours missionnaire», nous relevons tous les aspects qui caractérisent l’activité missionnaire d’une communauté chrétienne qui veut rester fidèle à l’exemple et à l’enseignement de Jésus. Correspondre à l’appel du Seigneur nécessite d’affronter, avec prudence et simplicité, tout danger et même les persécutions, puisque «le disciple n’est pas au-dessus de son maître, ni le serviteur au-dessus de son seigneur» (Mt 10, 24). Devenus un avec le Maître, les disciples ne sont plus seuls à annoncer le Royaume des cieux, mais c’est Jésus lui-même qui agit en eux : «Qui vous accueille m’accueille, et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé» (Mt 10, 40). Et en outre, comme véritables témoins, «revêtus d’une force venue d’en-haut» (Lc 24, 49), ils prêchent «la conversion et le pardon des péchés» (Lc 24, 47) à toutes les nations.

3. C’est précisément parce qu’ils sont envoyés par le Seigneur que les Douze prennent le nom d’”apôtres”, destinés à parcourir les routes du monde en annonçant l’Évangile comme témoins de la mort et de la résurrection du Christ. […]

Dans ce processus d’évangélisation, le livre des Actes des Apôtres attribue aussi un rôle très important à d’autres disciples, dont la vocation missionnaire provient de circonstances providentielles, parfois douloureuses, comme l’expulsion de leur terre en tant qu’adeptes de Jésus (cf. 8, 1-4). L’Esprit Saint permet de transformer cette épreuve en occasion de grâce et d’en tirer profit pour que le nom du Seigneur soit annoncé à d’autres peuples et qu’ainsi s’élargisse le cercle de la Communauté chrétienne. […]

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